Passer un CAP à 50 berges !
J’ai passé le CAP Métier de la Mode - Vêtements Flous en candidat libre cette année à 50 ans. Je n’en reviens pas encore d’être allée au bout de cette aventure. Peu importe le résultat, je suis extrêmement fière d’avoir osé. Fière aussi du boulot que j’ai abattu afin d’être prête.
Ça peut paraître étonnant de douter de sa réussite lorsqu’on a plus de 20 années de couture “domestique” derrière soi et pourtant. L’objectif du CAP est de former des exécutantes destinées à travailler dans des ateliers professionnels. Qui dit atelier professionnel dit Machines à coudre professionnelles, méthodes de travail professionnelles avec des normes … professionnelles !
Alors quel était l’intérêt pour moi de le passer ?
L’envie était là depuis longtemps, plus par défi qu’autre chose. Cap ou pas Cap ?!
Puis, j’ai eu envie d’ouvrir mon Atelier professionnel. Cette idée me tenait à cœur depuis une dizaine d’années, mais je n’osais pas sauter le pas. J’ai suivi une formation à la Chambre des Métiers, plutôt dans l’optique de parfaire mes connaissances dans les outils numériques. J’ai été “happée” par l’esprit entrepreneurial qui règne à la CMA et j'ai craqué. Un projet de taille au départ, qui m’a conduit à faire des stages d’immersion dans des merceries. Mais il a fallu se rendre à l’évidence. Ma santé ne me permettait pas de rêver “démesuré” alors j’ai revu les choses à mon échelle : un atelier avec de la création, du sur-mesure et des cours de couture, à mon rythme.
J’ai suivi également une formation de 147 heures dans un atelier professionnel pour me former au modélisme. J’en rêvais également depuis longtemps et j’avais besoin de me sentir légitime dans mon statut de couturière professionnelle. C’est là que l’envie de passer le CAP est revenue plus forte encore ! Dès que les inscriptions ont été possibles, je me suis lancée en bâillonnant mon cerveau et sans respirer ! J’avais une bonne raison cette fois-ci de le passer, il me permettait d’obtenir un label professionnel qui amènerait un plus à mon Atelier.
Une fois décidée, il me fallait me préparer aux épreuves.
Mon dernier diplôme datant de 1995, supérieur au CAP, je n’avais pas à repasser les matières générales.
Trois épreuves m’attendaient :
- “Prévention, Sécurité, Environnement” commune à tous les CAP. C’est un tout petit coefficient 1, et l’épreuve dure 1 heure. Le centre de formation m’a prêté le livre de référence. Honnêtement, vu le petit coefficient, je ne comptais pas m'appesantir sur le sujet. Ayant travaillé en entreprise, l’épreuve ne devait pas être problématique. Finalement, j’ai appris des choses intéressantes et j’en ai redécouvert d’autres ! Les thèmes sont vastes, évidemment la vie en entreprise mais également l’écologie, la vie domestique ( alimentation, budget, santé ).
- “EP1” Analyse et Exploitation des données esthétiques et techniques. C’est une épreuve théorique qui regroupe le dessin de mode, l’histoire de la mode, la connaissance des tissus, la connaissance du matériel professionnel et le patronage. L’épreuve dure 3 heures et le coefficient est de 4. Pour travailler, je me suis appuyée sur différents supports, n’ayant pas accès aux cours de l'Éducation Nationale. Mes bibliothèques ont été mes principales fournisseuses de livres. J’ai, entre autres, utilisé le livre d’Artesane et Rêve à Soie, dédié à la préparation de ce CAP. Mais bien d’autres encore sur le dessin de style, l'histoire de la mode. Pour le patronage, j’avais déjà quelques livres, et ma formation chez Athécré m’a rassuré sur mes compétences. Pour la connaissance des matières et du matériel, afin de creuser le sujet, j’ai également regardé les vidéos de la chaîne 432 Hz sur Youtube ainsi que le site d’UpcyLyne . Et surtout je me suis inscrite sur les deux groupes FB dédiés au CAP : « CAP MMVF 2022 » et « Passez le CAP Couture Floue avec Artesane et Rêve à Soie ».
- “EP2” Mise en Oeuvre de tout ou partie de la fabrication d’un vêtement. L’épreuve redoutée, sur 2 jours, 16 heures de couture ! C’est logiquement le plus gros coefficient : 10. Pour cette épreuve, il me fallait maîtriser les gammes de montage. On est loin des patrons Burd£ et tant mieux, je n’ai jamais compris leurs explications ! Les consignes sont essentiellement données sous forme de dessins techniques. Cela nécessite de bien visualiser dans l’espace l’opération à mener, ça tombe bien c’est plutôt mon point fort.
Pour la maîtrise de la machine industrielle, la “piqueuse plate”, je me suis fait la main à l’atelier Athécré. Certaines candidates sont arrivées à l’épreuve sans avoir jamais touché une piqueuse plate de leur vie. Cela me semble un pari risqué, même si elle ne diffère pas tant que ça d’une machine domestique, elle est bien plus puissante, il faut un peu de temps pour maîtriser son utilisation. J’ai fait les ouvrages avec gamme de montage proposés dans le livre d’Artesane et également quelques annales. Pour cela il me fallait les patrons, pas toujours faciles à trouver. Certains sont présents sur les groupes FB, il faut fouiller dans les fichiers.
Si j’ai pu emprunter beaucoup de livres à la bibliothèque, je n’ai pas pu faire l’impasse sur l’achat de tissus et mercerie pour travailler l’EP2. Sans compter l’impression des patrons en A0, heureusement Athécré propose ce service à prix raisonnable. Je ne me voyais pas scotcher des centaines de feuilles A4 … Donc un budget non négligeable. Honnêtement, j’ai préféré ne pas calculer. Comme j’ai du stock, j’ai pu réaliser certains ouvrages avec mes tissus, mais parfois je n’avais pas la matière recommandée pour l’ouvrage. Ceci dit, j'ai eu du bol, j'ai souvent trouvé mon bonheur dans les coupons de 3 mètres à 10 € de ma boutique de tissus. Ce qui est frustrant, c’est que j’ai cousu la taille d’examen, un 38 me semble-t-il, dans laquelle je ne rentre évidemment pas.
Coûteux également en logistique et frais de transport, même si je suis chanceuse par rapport à d’autres. La première épreuve d’une heure à Alès, 2 heures de route aller-retour. Les 2 autres épreuves se déroulaient sur Nîmes, 1 heure d’autoroute aller-retour. Mais j’ai fait le choix pour l’épreuve sur 2 jours de rester sur place, en arrivant le dimanche, il fallait être présente à 7H30, je ne suis pas du matin et le centre ville de Nîmes est …un centre ville. Autant minimiser le stress tant que possible !
Je ne me plains pas, une candidate nous expliquait passer la pratique en Normandie, parce que son CAP de Chapelier ( auparavant Modiste ) ayant trop peu de candidats libres, a fait le choix au dernier moment de centraliser les EP en Normandie … Le CAP certainement le plus coûteux …
Nous avons apparemment eu de la chance de passer les EP à Hemingway. Lors de l’EP1, les surveillantes étaient adorables et de la filière, ce qui était appréciable quand nous avions des questions. Et nous disposions de tout le matériel nécessaire. Dans d’autres académies, certaines candidates n’ont pas eu la totalité du sujet, d’autres travaillaient sur des petites tables alors que les planches de patron étaient immenses.
Nous avons passé l’EP2, dans la même salle que l'EP1, l’atelier avec les machines et les postes de repassage. Nîmes mi-juin, une chaleur étouffante, je ne sais pas comment il n’y a pas eu de malaise …
Vous ne saurez rien du sujet car toutes les académies ne sont pas passées. En effet, les candidates libres ont toutes passé l'EP1 à la même date, mais l'EP2 était étalée sur plus de 15 jours selon les académies. Je suis vraiment satisfaite, j’ai rendu un travail propre. Ma hantise était de découper mon ouvrage avec la surjeteuse, j’ai été très prudente et aucune catastrophe. Heureusement puisqu’on doit se contenter du métrage donné au début. Je suis étonnée d’avoir tenu ces 16 heures d’examen sans trop de douleurs, plutôt 14 heures, j’ai fini avec un peu d’avance. Hum, je sais pourquoi j’ai tenu, j’étais shootée aux anti-inflammatoires, je n’aurais certainement pas tenu la distance sans ça …
L'EP1 et l'EP2 ne regroupaient que des candidates libres, les élèves du CAP sont évalués en contrôle continu.
Désormais, il me reste à attendre les résultats, sereinement.
Pour celles qui voudraient se lancer, quelques conseils. Pour l’EP1, le livre d’Artesane peut suffire pour l’histoire de la mode, le dessin de style. Pour ce qui est du matériel, je vous conseille vivement d’aller dans un atelier pour tester la piqueuse plate et découvrir son utilisation. Profitez en pour tester la surjeteuse également, car même si vous en avez une à la maison, la professionnelle est plus puissante. Si ça ne vous est pas possible regardez la chaîne 432 Hz sur Youtube ainsi que le site d’UpcyLyne qui vous familiarise avec. Mais ça ne remplacera pas une mise en situation bien utile cette fois-ci pour l’EP2. Pour le patronage, le livre d’Artesane peut suffire, le niveau requis nécessite surtout du bon sens que vous aurez si vous cousez depuis un moment, sinon vous avez les vidéos Artesane qui sont très bien faites ou si vous n’avez pas le budget, vous trouverez sur YouTube des chaînes gratuites sur le sujet.
Pour l’EP2, faites un maximum d’annales et variez les ouvrages ( robe, pantalon, haut, veste ) en respectant les tissus recommandés. Faites également les ouvrages du livre CAP d’Artesane et rêve à soie. Essayer de travailler au fil de l’eau tranquillement pour ne pas être dégouttée avant les épreuves ! Vous aurez forcément une baisse de régime à un moment et les groupes FB vous aideront à persévérer.
L'idéal si vous en avez l'opportunité est de suivre une formation préparant au CAP, financée par votre CPF. Pour moi, rien ne vaut une formation en physique dans un atelier, mais si vous n'en avez pas autour de vous, la formation Artesane est vraiment très sérieuse.
Voilà, je crois avoir tout dit, mais si vous avez des questions, je vous répondrai avec plaisir !
PS : Vous ne verrez pas de boutons ou boutonnières sur mes ouvrages parce qu'ils ne sont pas au programme du CAP.