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Cilou et ses aiguilles

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byDamouredo

11 novembre 2022

Concours de Nouvelles du Festival du Polar, Ma Nouvelle

J'ai participé comme en 2018, au concours de Nouvelles organisé par le Festival du Polar de Villeneuve les Avignon.

La consigne était d'écrire une nouvelle avec évidemment une orientation "Polar" de 5 pages maximum avec comme contrainte une phrase à utiliser en introduction: " Le tremblement de sa main l'empêche de ... "

Voici mon texte :

 

Le tremblement de sa main l'empêche de …

… se concentrer sur sa respiration. S’il veut se sortir de cette histoire, il va lui falloir absolument retrouver ses esprits.

Fermer les yeux, inspirer, remplir sa cage thoracique avec avidité et expirer. Oublier l’angoisse qui l’envahit pour reprendre ses esprits. Au moins tenter.

Réfléchir, vite. Sortir de ce cauchemar. 

Quand Mina l’a appelé à minuit, Morphée avait déjà fait son œuvre. C’est l’esprit brumeux qu’il a vaguement entendu sa sœur prononcer dans le désordre les mots :  cadavre, couteau, accident, maison, Louis. 

S’il n’avait été dans les limbes,  il aurait ironiquement répondu à Mina qu’il était vraiment ravi que son mec sorte de sa vie. Quel boulet ce Louis. Pas d’humour, mesquin et d’une tristesse maladive qui mène à l’alcool et à son corollaire, la violence gratuite. Si tant est qu’il existe une violence nécessaire d’ailleurs. Ce type est totalement inadapté à leur famille : Les Moreno, comiques troupiers depuis 5 générations. Enfin, ça c'était « avant ». Parce que finalement, désormais la « funky family Moreno » existe-t-elle encore ? Mina a peut-être bien trouvé son double en la personne de Louis. Trouvé et perdu semble-t-il …

Le cerveau de Tom émerge enfin et il remet les mots dans l’ordre. Une violente tachycardie le submerge. 

« Tom, il y a eu un accident à la maison, Louis … Louis ne respire plus, murmure-t-elle dans un soupir. Il m’a frappée et je me suis défendue avec un couteau de cuisine. Viens m’aider, s’il-te-plaît, je ne veux pas aller en prison. » 

La raillerie n’est plus de mise. Il n’a pas le temps d’émettre un mot que la communication est interrompue.

Il a beau tenter d’appeler Mina sur son portable, il tombe à chaque fois sur son répondeur. Ah ça pour lancer des bombes, et faire un teasing d’enfer, elle est fortiche la môme !

Alors il enfile son futal de la veille, un tee-shirt moyennement propre, des baskets, direction la maison de ses parents. 

Si Mina n’était  pas sa frangine, il la fuirait volontiers  comme la peste. Un vrai nid à emmerdes cette nana. Combien de fois l’a-t-il déjà sortie de situations flippantes … Elle a le don de choisir des mecs borderline qui ne tardent pas à avoir la main lourde et qui lui collent des bleus au corps. L’âme totalement meurtrie, elle s'étiole à chaque type un peu plus mais réitère perpétuellement l’expérience, addicte à l’auto-destruction.

Le mètre quatre-vingt-dix-huit de Tom lui permet de faire fuir ces tarés, sans trop de casse, quand Mina lance un SOS. Que ne ferait-il pas pour sa petite sœur …

Il se culpabilise tellement de ne plus être là au quotidien pour elle depuis qu’il a trouvé du taf et pris son indépendance. C’était tellement vital pour lui qu’il a abrégé ses études au plus vite pour se tirer du guêpier familial.

Depuis la disparition mystérieuse deux ans plus tôt du padre, parti sans laisser d’adresse, leur mère n’est plus que l’ombre d’elle-même. Mina est abandonnée à son triste sort, en pleine adolescence. Autant dire au pire moment. 

Les flics n’avaient pas fait cas de l’évènement. Un mec « courageux » qui fuit le quotidien et joue à l’homme invisible, c’est tellement commun.

Rien ne laissait pourtant présager un tel départ. L’ambiance à la  maison était plutôt cool. Tous ses potes lui enviaient ses darons, accueillants et drôlissimes. Le couple formé par ses parents semblait harmonieux, mais sait-on vraiment jamais ce qui se cache derrière des sourires ?… Depuis que sa mère a perdu son alter-ego, elle n’est plus ni mère ni femme, juste une épave qui se traîne du lit au canapé et inversement. Son régime alimentaire journalier se résume à une bouteille de mauvais pinard. Elle a abandonné le whisky depuis belle lurette, plus de ronds, puisque plus de boulot. Le RSA ne permet que la vinasse. Elle a arrêté de se laver, son gps interne a perdu la direction de la salle de bain et elle laisse dans son sillage une odeur à donner la nausée. Ses enfants ne sont clairement plus sa priorité, d'ailleurs elle n’a plus de priorité, si ce n’est, dénicher une nouvelle bouteille d’alcool quand elle a sifflé la précédente. Peut-être même a-t-elle oublié qu’elle a enfanté.

Depuis, Mina oscille entre tous les excès : alcool, sexe, drogue et rock’n roll avec des acolytes que t’aimerais pas croiser dans une ruelle sombre. 

« Bon, Freud, au lieu de disserter, tu les trouves tes clés de bagnole, bordel ?! » se lance-t-il, gagné par le stade ultime de la panique.

La phrase de sa sœur lui revient en tête : « Tom, il y a eu un accident à la maison, Louis ne respire plus. Il m’a frappée et je me suis défendue avec un couteau de cuisine. Viens m’aider, s’il-te-plaît, je ne veux pas aller en prison. » et il appuie un peu plus fort sur l’accélérateur, le souffle coupé et le coeur au bord des lèvres. 

Il savait Mina au bord du gouffre. Ça l’arrangeait bien de penser qu’elle était assez forte pour sortir de tout ça comme une grande. En vrai, il avait mis progressivement de la distance, ne répondant présent que dans les situations désespérées. « Tom, c’est pas ça un frérot, t’as déconné mec … ».

Il avait failli à la promesse faite à sa grand-mère quand il avait 10 ans. Elle lui avait fait jurer qu’il serait toujours là pour sa petite sœur, qu’il l’a protègerait de « tous » avait-elle insisté, l’angoisse dans le regard. Il n’avait pas bien compris d’où pouvait venir le danger. La vie familiale plutôt douce à cette époque l’invitait plutôt à croire que le monde était cool.

Le grand gaillard étouffe un sanglot en se garant devant chez ses parents. Inspiration, expiration. Prendre du courage pour affronter ce qui semble être le chef-d'œuvre de sa frangine.

Quand il pousse la porte d’entrée, la pièce est dans la pénombre. C’est dans la cuisine qu’il trouve Mina tétanisée, les yeux hagards, blême, les fringues rouge sang, Louis allongé à ses pieds.

Tom a fini, malheureusement, par avoir l’habitude des situations extrêmes dans lesquelles Mina le plonge. Il n’est jamais aussi efficace que dans l’urgence. 

Il jette ses clés sur le plan de travail, ramasse un torchon de cuisine, s’en recouvre les mains et enlève délicatement la lame des doigts graciles de Mina. Il jette le couteau avec dégoût dans le lave-vaisselle et lance le programme le plus chaud et le plus long. Il s’étonne de tels réflexes, lui qui ne lit ni ne regarde pourtant aucun polar … « on dirait que j’ai fait ça toute ma vie » et ça l’effraie carrément … 

Graine de meurtrier ? … 

Réminiscence du passé ? …

C’est vrai que subitement, il a une désagréable sensation de déjà vu …

Il reprend ses esprits, pas de temps à perdre. L’altercation entre sa sœur et Louis a sans doute été sonore, les voisins ont peut-être appelé la police. Il faut se magner …

Il court dans la chambre de sa frangine chercher des fringues de rechange. Il pensait vivre dans un dépotoir, mais le nid de Mina est une véritable porcherie. Il chope avec des pincettes une robe en boule au sol qui sent … «  non, ne cherche pas à savoir Tom »…

Toujours figée en statue de sel, il jette à sa sœur un violent « Allez, donne moi tes nippes, et enfile ça fissa ! » pour la faire réagir.

Une fois, les vêtements en sa possession, il allume le barbecue et les jette dedans, une belle flambée annonciatrice d’une succulente côte de bœuf, ironise-t-il mentalement  ! Les soucis ne lui ont jamais coupé l’appétit, c’est qu’il faut des calories pour emplumer une carcasse d’un mètre quatre-vingt-dix-huit !

Mina reprend peu à peu ses esprits. 

« Qu’est-ce qu’on va faire du corps ? » se lamente-t-elle …

« Aide-moi à le rouler dans le tapis du salon, je rentrerai la voiture dans le garage pour le mettre dans le coffre. Il était tellement hideux de toute façon, ça ne sera pas une grosse perte ! »

« Louis, hideux ? » Sa sœur ne semble pas saisir la touche d’humour.

« Le tapis Mina, il est laid non ?! Il était temps qu’on revoit un peu cette déco so 80’s ! » lui répond Tom, à la limite de l'hilarité. L’humour comme rempart face au désespoir …

Heureusement Louis est gringalet, enfin était. Le transfert dans le coffre se révèle facile. Exténués l’un comme l’autre par les événements, la route qui file dans un silence pesant, laisse à Tom le temps de réfléchir à la prochaine étape. 

Deux heures plus tard, il arrête le véhicule en lisière d’une forêt dense. Il ne sait pas trop s’il est déjà venu mais les lieux lui semblent étrangement familiers. Mina s’est assoupie, assommée par l’angoisse. Malgré sa stature de viking, il descend à pas de loup du véhicule et charge Louis sur ses épaules. Il n’a pas pensé à prendre une pelle mais il se rend compte qu’il en a une dans le coffre. 

Alors que l’échéance est proche et que la pression devrait retomber, Tom se sent de plus en plus oppressé comme si le pire était à venir. Pourtant ils sont bien seuls dans cette forêt, au fin fond des Pyrénées …

Il erre de longues minutes dans les bois, jusqu’à trouver le lieu qui sera la dernière demeure de Louis. Il le pose délicatement sur le sol meuble. Il a plu toute la semaine, la pelle s’enfonce sans peine dans la terre, l’affaire sera vite réglée.

Au fur et à mesure que la fosse se dessine, l’angoisse dévore Tom. Les dernières pelletées et la mise en terre de Louis se font au prix d’un effort sur-humain. Une fois la fosse remplie et cachée par l’humus, il s’effondre à genoux et vomit ses tripes. Un  hoquet de larmes l’envahit quand une main se pose sur son épaule. 

« Pardon Tom, à chaque fois tu es là pour me protéger et tu joues les fossoyeurs » murmure Mina.

« Jouer ? Comment peux-tu parler de jeu ? Tu viens d'ôter la vie d’un homme et je suis ton complice. C’est la première et dernière fois Mina » crie-t-il entre deux sanglots, effrayant les oiseaux qui fuient vers la canopée.

« Première fois ? Tu as donc vraiment tout oublié ? »

« Oublié quoi Mina ? » hurle Tom

« Papa » chuchote-t-elle, de peur que la colère de Tom ne se retourne contre elle.

« QUOI Papa ?! Il s’est barré comme un gros lâche et alors ? »

« Tu ne te souviens vraiment pas ? Je pensais que tu n’en parlais plus parce que tu m’en voulais … » geint Mina.

« Crache ta valda frangine, c’est quoi le rapport entre Papa et Louis ? » fulmine Tom, rouge colère.

« Papa n’est pas parti. La vie était peut-être cool pour toi quand il était là mais avec moi, il … ».

Il l’interrompt, effrayé par ce qu’elle pourrait dire … « Je ne comprends pas ce que tu dis », hurle Tom tétanisé. « S’il n’est pas parti, il est OÙ bordel ? »

Mina dirige son regard vers la fosse désormais recouverte d’un tapis de feuilles.

Tom s’effondre, hébété, la forêt se tait subitement.

« Alors ce sentiment de déjà vu, ça n’était pas qu’un sentiment ? » …

 

 

J'ai pris grand plaisir à écrire ce texte cet été, pendant ma cure, tôt le matin avant de débuter mes soins, sur un banc.

J'attends vos retours, constructifs évidemment !



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Commentaires
R
Tout un superbe texte didonc....la fameuse cure.....elle a ete bien utile....;)
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